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NAIROBI — Quatre ans après le dépôt de leur pétition historique, les membres de la Rastafari Society of Kenya (RSK) poursuivent leur combat judiciaire pour la reconnaissance de leur foi et le droit d'utiliser le cannabis — ou bhang comme on l'appelle localement — dans leurs pratiques spirituelles. Une affaire qui cristallise la tension entre législation sur les stupéfiants et liberté religieuse.
Une audience tant attendue fixée pour janvier 2026
Le 18 novembre dernier, le juge Bahati Mwamuye de la Haute Cour de Milimani a enfin fixé les dates d'audience : les 14 et 15 janvier 2026. Une étape cruciale pour cette communauté qui attend depuis 2021 que sa voix soit entendue devant la justice kényane.
Mais cette avancée ne dissipe pas la frustration grandissante des rastafariens. La RSK menace désormais de déposer une pétition pour le renvoi du Procureur général Dorcas Oduor, qu'ils accusent de retarder intentionnellement le dépôt d'une réponse à leur demande. Quatre années d'attente que la communauté considère comme une forme d'obstruction délibérée à leurs droits constitutionnels.
Le bhang : bien plus qu'une plante
Pour comprendre l'enjeu de cette bataille juridique, il faut saisir ce que représente le bhang — terme swahili pour le cannabis, également appelé "ganja" ou "l'herbe sacrée" — dans la tradition rastafarienne. Il ne s'agit pas d'une simple substance récréative, mais de la pierre angulaire d'une pratique spirituelle millénaire.
Les rastafariens affirment leur dévotion à Jah (Dieu) à travers deux pratiques fondamentales : le port des dreadlocks et la participation à des rituels sacramentels communautaires incorporant l'utilisation du cannabis. Ces cérémonies, appelées reasonings, sont des moments de méditation collective, de connexion spirituelle et de discussion philosophique où l'herbe sacrée joue un rôle central.
Une loi qui criminalise la foi
Au cœur de la pétition déposée en 2021 se trouve la contestation de sections spécifiques de la loi kényane sur le contrôle des stupéfiants et des substances psychotropes. Ces dispositions obligent les forces de l'ordre à arrêter, poursuivre et condamner les rastafariens pour avoir cultivé et utilisé le cannabis, même dans leurs maisons privées et leurs lieux de culte désignés.
Pour la RSK, ces lois constituent une violation flagrante des droits constitutionnels fondamentaux : liberté de religion, droit à la vie privée et principe d'égalité. Comment peut-on prétendre respecter la liberté de culte tout en criminalisant les pratiques sacramentelles d'une communauté religieuse ? C'est la question que soulève cette bataille juridique.
Un combat qui dépasse les frontières
L'affaire kényane s'inscrit dans un débat mondial sur la décriminalisation du cannabis et la reconnaissance des droits religieux. Plusieurs pays ont déjà reconnu des exemptions religieuses pour l'usage sacramentel de substances contrôlées, établissant un précédent que les rastafariens kényans espèrent voir appliqué dans leur propre juridiction.
La demande de la RSK ne porte pas sur une légalisation générale du cannabis, mais sur le droit spécifique d'utiliser cette plante dans un cadre spirituel et religieux, dans des espaces privés ou des lieux de culte reconnus. Une nuance importante que les défenseurs de la cause rastafarienne ne cessent de rappeler.
La patience mise à l'épreuve
Alors que l'audience approche, la communauté rastafarienne kényane reste mobilisée mais exaspérée par les délais accumulés. Quatre ans d'attente pour voir leur pétition examinée, quatre ans pendant lesquels des membres de leur communauté continuent d'être arrêtés et poursuivis pour avoir pratiqué leur foi.
La menace de dépôt d'une pétition contre le Procureur général témoigne de cette frustration grandissante. Pour les rastafariens, chaque jour de retard est un jour de plus où leurs droits constitutionnels sont bafoués, où leur spiritualité est criminalisée, où leur dignité est niée.
Rendez-vous en janvier
Les 14 et 15 janvier 2026 seront des dates historiques pour la Rastafari Society of Kenya. Dans les salles du tribunal de Milimani, à Nairobi, se jouera bien plus qu'une simple question de légalisation : c'est la reconnaissance d'une foi, le respect d'une tradition spirituelle et l'affirmation du droit à pratiquer sa religion sans crainte de persécution qui seront en jeu.
La communauté rastafarienne du Kenya, forte de sa patience et de sa détermination, espère que la justice kényane saura entendre son appel et reconnaître que la liberté religieuse ne peut exister pleinement que lorsqu'elle s'applique à tous, sans exception.
Dreadlocks Tribune continuera de suivre de près l'évolution de cette affaire judiciaire historique.

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