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Musique artificielle : l’invasion qui menace les artistes
Face à l’explosion de morceaux générés par l’intelligence artificielle, les plateformes de streaming voient affluer des milliers de titres produits sans compositeur ni interprète. Une déferlante qui bouleverse l’économie musicale, dilue la rémunération des créateurs humains et interroge la valeur même d’une chanson à l’ère des algorithmes.
Un tiers des nouvelles chansons publiées chaque jour sur Deezer est désormais généré par IA. Derrière ce flux massif de musique produite sans musicien ni auteur, c’est tout l’édifice du streaming qui vacille. Qui sort gagnant ? Qui perd au change ? Et surtout : que vaut encore une chanson lorsqu’elle n’a plus d’auteur ?
L’explosion de la musique artificielle
Sur Deezer, près d’un tiers des nouveautés quotidiennes proviennent désormais de systèmes automatisés. La plateforme reçoit plus de 50 000 titres artificiels par jour, un chiffre en perpétuelle accélération : 10 000 en janvier, 20 000 en avril, 30 000 en septembre.
La démocratisation d’outils comme Suno ou Udio, capables de composer un morceau complet en quelques secondes, alimente cette croissance vertigineuse.
Pour limiter les abus, Deezer a déjà supprimé 26 millions de morceaux inutiles en un an. De son côté, Spotify a retiré 75 millions de titres “spammy” de son catalogue. Preuve que la surproduction artificielle est devenue l’un des nouveaux terrains de lutte du streaming.
Un modèle économique menacé
Le principe de rémunération du streaming reste inchangé : les revenus sont partagés entre tous les titres écoutés. Mais l’arrivée massive de morceaux générés automatiquement réduit mécaniquement la part attribuée aux artistes humains.
Selon la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC), l’IA pourrait capter 20 % des revenus mondiaux du streaming d’ici 2028, entraînant une baisse de 24 % des revenus des créateurs, soit près de 4 milliards d’euros perdus par an.
Toute la filière — producteurs, auteurs, éditeurs, interprètes — s’en trouve fragilisée.
Quand l’oreille ne distingue plus l’humain de la machine
L’un des problèmes majeurs est désormais l’indiscernabilité.
D’après une étude Ipsos pour Deezer, 97 % des auditeurs ne parviennent pas à différencier un titre humain d’un morceau généré par IA, et 52 % se disent mal à l’aise face à cette confusion.
Dès lors, comment garantir une rémunération équitable si la source d’un morceau devient invisible ?
Pour les plateformes, cette prolifération est rentable : plus de contenus pour un coût minimal. Pour les artistes, elle se traduit par une perte de visibilité et une dilution de leur travail dans un océan de productions automatisées.
Les majors tentent d’enrayer la dérive
Pour reprendre le contrôle, les grandes maisons de disques multiplient les initiatives. Universal a ainsi noué des partenariats avec des startups comme Stability AI ou Udio, afin d’encadrer les usages et de prévenir un piratage sonore à grande échelle.
L’expérimentation artistique des débuts a laissé place à une véritable industrie parallèle : des milliers de “producteurs” automatisent la génération de contenus destinés à optimiser les flux, sans intention créative.
Une valeur musicale en chute libre
Cette inflation de contenus artificiels bouleverse l’équilibre du secteur. L’offre explose, la valeur se dilue.
Les plateformes gagnent en volume ; les artistes, eux, perdent en visibilité, en reconnaissance et en revenus. Déjà peu rémunérateur, le streaming risque de le devenir encore moins pour les créateurs humains.
Au-delà de la technologie, la question devient structurelle : le métier d’artiste peut-il survivre dans une industrie où la majorité des chansons ne sont plus créées par des humains ?
L’opinion publique face à la musique artificielle
(Sources : Deezer / Ipsos, novembre 2025)
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34 % des sorties quotidiennes sont générées par IA
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97 % du public ne distingue pas l’IA d’un humain
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52 % se sentent mal à l’aise face à cette confusion
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45 % souhaitent pouvoir filtrer la musique IA dans leur application
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70 % estiment que l’IA menace les revenus des artistes
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73 % sont opposés à la musique IA sans autorisation de l’artiste
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80 % demandent un étiquetage clair des productions IA
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69 % souhaiteraient une taxation accrue des revenus liés à l’IA

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